LE SOMMEIL
UN COMPOSANT ESSENTIEL DE LA SANTE
Le sommeil représente jusqu’à 30% de notre temps, soit en moyenne, sur une vie, près de 25 ans à dormir ! On ne peut se passer de dormir, le sommeil quotidien est indispensable, et on ne peut guère dépasser 48 heures de veille continue sans qu’il devienne impossible d’échapper à un endormissement. Autant dire que la qualité de notre sommeil a une influence essentielle sur notre temps éveillé, et qu’il conditionne à la fois nos capacités intellectuelles et notre humeur au quotidien.
À quoi sert le sommeil ?
Le sommeil est un phénomène qui conserve encore bien des secrets. Selon les scientifiques, le sommeil est avant tout un processus réparateur, c’est-à-dire que sa fonction principale est de restaurer l’état physiologique du cerveau dégradé par l’activité lors de l’éveil. Dormir permet de mettre l’activité cérébrale au repos, et d’enclencher des processus de nettoyage par l’élimination des toxines et des résidus chimiques accumulées lors de l’activité métabolique. Le sommeil permet aussi au capital énergétique du cerveau de se régénérer, en laissant les cellules neuronales reconstituer leurs réserves et rétablir leur niveau électrique de base, un peu comme si on rechargeait des batteries.
Mais au total, il y a encore bien des aspects du sommeil que nous ne comprenons pas complètement. Les nouvelles méthodes d’exploration de l’activité cérébrale comme l’IRM fonctionnelle et l’EEG nous montrent que durant le sommeil, des zones spécifiques du cerveau s’activent intensément à tour de rôle, ou en même temps, notamment durant la phase de sommeil paradoxal, quand surviennent les rêves. Une activité qui contraste avec l’apparente déconnexion du corps au même moment. Ces phénomènes étranges que sont les rêves ont donné lieu à bien des interprétations religieuses ou magiques depuis l’antiquité (et probablement même depuis la nuit des temps), tant le souvenir fugace des rêves semble vouloir nous dire quelque chose…
Le cerveau reste actif, même pendant le sommeil
Le sommeil a des fonctions de consolidation de la mémoire et de l’apprentissage (bon à savoir pour tous les étudiants), de stabilisation de l’humeur et de gestion des émotions (le sommeil est souvent le premier remède pour encaisser un événement traumatisant dans la journée), et même de sécrétion d’hormones et d’enzymes, et de stimulation de notre système immunitaire, pour ne citer que l’essentiel. Le cerveau n’est pas inactif durant le sommeil, c’est juste qu’il fonctionne autrement, dans un mode « maintenance et consolidation ».
En fait, pendant que l’on dort, le corps se répare, mais aussi continue de se construire. C’est pourquoi il est si important de laisser les enfants dormir tout le temps dont ils ont besoin, car c’est durant le sommeil que s’applique le phénomène de croissance (notamment par la sécrétion de l’hormone de croissance), et donc qu’il grandit !
Le sommeil : trois phases fondamentales
Depuis la moitié du XXème siècle, et l’apparition de l’électroencéphalogramme (EEG) on sait que le sommeil n’est pas un simple repos continu comme une mise en veilleuse du cerveau, mais tout un processus avec plusieurs phases très différentes qui s’enchainent. En fait, une nuit de sommeil consiste en un train successif de trois phases succédant à un endormissement (comme trois wagons, tirés par une locomotive) : l’endormissement, le sommeil léger, le sommeil profond, et enfin le sommeil paradoxal.
L’endormissement consiste à se mettre en condition pour préparer le sommeil profond, L’attention au monde extérieur diminue lentement, les sons sont moins perçus, on ferme les yeux pour diminuer la stimulation visuelle. Le pouls devient plus lent, les muscles se relâchent, la respiration est régulière et paisible. C’est véritablement une phase de déconnexion progressive qui reste en grande partie sous le contrôle de la volonté : il faut accepter les signaux de besoin de sommeil que l’organisme nous envoie, et s’abandonner à l’endormissement pour passer à la phase suivante.
Le sommeil léger intervient ensuite : les sensations sont de moins en moins perceptibles, et l’assoupissement est réel, avec une immobilisation pratiquement totale du corps. Si on apparait totalement endormi pour un spectateur, en fait, le sommeil est encore léger et peut être perturbé facilement par un événement extérieur. C’est la phase la plus longue du sommeil puisqu’elle occupe près de 50% du temps de sommeil total.
La phase suivante est le sommeil profond. Le corps est totalement relâché et la conscience suspendue. Il est très difficile de réveiller une personne dans cette phase du sommeil. En gros le sommeil profond total (cumulant plusieurs cycles) sur une nuit dure 100 minutes. C’est la phase qui permet la meilleure récupération de l’organisme.
Pour conclure un cycle, survient la phase du sommeil paradoxal. Il s’agit d’une phase un peu étrange, plutôt agitée, surtout dans le cerveau ! Car le corps reste détendu durant cette phase, mais la respiration devient irrégulière, et les yeux font des mouvements saccadés, c’est un peu comme une tempête sous le crâne ! Le sommeil paradoxal est la phase des rêves ou des cauchemars, dont on ne se souvient souvent de rien, sauf à être réveillé avant la fin de la phase.
Le sommeil paradoxal occupe plus de 50% du temps de sommeil chez les nouveau-nés, pour se réduire à 20% à l’âge adulte. Il semble que le sommeil paradoxal participe à l’établissement des réseaux neuronaux chez le nourrisson et plus tard dans la vie à la consolidation de la mémoire des événements récents. Mais en grande partie, la finalité de cette phase reste un mystère, certain y voyant une porte vers le subconscient si cher aux psychanalystes, et donnant lieu à toutes les interprétations possibles, à condition de se souvenir du rêve qu’on vient de faire…
À chaque passage du train de 3 phases succède une petite période de presque réveil, avant que ne passe le train suivant. Si la personne se réveille réellement, le sommeil sera terminé pour cette nuit, à moins de reprendre le train suivant qui ne surviendra que quelques heures plus tard… et nécessitera un nouvel endormissement.
Les trois phases vont se répéter ainsi en quatre à six cycles complets par nuit, se raccourcissant progressivement, le sommeil profond se réduisant progressivement pour laisser la part belle au sommeil paradoxal.
La privation de sommeil et ses conséquences
Ne pas dormir assez longtemps (et on devrait dire aussi « assez bien »), a des conséquences importantes sur notre organisme et notre comportement. On distingue deux situations : la privation de sommeil à court terme, et le sommeil dégradé à long terme.
Lorsqu’on est privé de sommeil totalement, ponctuellement, (par exemple lors des fameuses « nuits blanches »), on constate au-delà de 24h une dégradation rapide des capacités intellectuelles, une irritabilité croissante, des troubles de l’équilibre, une diminution de la mémoire immédiate, simulant parfois une ébriété alcoolique.
La personne privée de sommeil fait l’expérience progressivement d’une perte d’énergie marquée, de confusion, d’anomalies de la coordination des mouvements, de difficultés à raisonner ou même de soutenir une conversation intelligible avec autrui. Progressivement s’installent des troubles de la vision et de l’audition, les lumières vives et les sons forts deviennent insupportables, il peut même survenir des hallucinations.
Au-delà de 40h, il devient pratiquement impossible de résister à l’endormissement qui peut survenir quasi-instantanément, presque comme une perte de connaissance. L’organisme se met en mode « arrêt d’urgence » sans prévenir, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.
Attention, danger : manque de sommeil !
Prendre des produits réputés stimulants comme le café ou l’alcool, voire même des drogues stimulantes comme la cocaïne ou les amphétamines, n’y fera rien : cela ne fera qu’intensifier les effets délétères de la privation de sommeil, et mettra encore plus la personne en danger ! Tout ceci explique les recommandations qui sont faites aux conducteurs de ne pas rouler de nuit pour de long trajets après une journée active, sans sommeil préalable, même en buvant beaucoup de café : l’endormissement spontané au volant est presque inéluctable et peut survenir sans prévenir, même si on se croit capable d’y résister.
Il émerge aussi actuellement dans les société occidentales un phénomène alarmant de « no-sleep challenge » qui se répand chez les adolescents : il s’agit d’une sorte de pari qui consiste à rester le plus longtemps possible sans dormir et de partager son expérience sur les réseaux sociaux. Ces pratiques apparemment anodines et destinées à tester ses limites font prendre des risques pour la santé et de mise en danger qui ne sont pas toujours mesurés par leurs pratiquants. Surtout que la pratique de ces challenges peut devenir parfois répétitive et addictive, aggravant les risques.
Le manque de sommeil détériore les capacités intellectuelles, et modifie le comportement de la personne qui devient au fur et à mesure plus confuse, moins réactive, moins résistante à l’adversité et sans affect, voire beaucoup plus influençable et passive, obéissante sans discernement. C’est un peu le principe du fameux « lavage de cerveau ». Ces phénomènes sont parfois exploités par des personnes mal intentionnées comme des escrocs ou des sectes malveillantes qui obtiennent par privation de sommeil un moyen de contrôler la personne. À savoir, si quelqu’un vous propose de moins dormir comme nouvelle philosophie de vie…
Mal dormir, régulièrement : l’autre danger
Bien-sûr, il nous arrive tous de dire que nous n’avons pas bien dormi, ou que l’on a eu une mauvaise nuit. Ce sont des accidents du sommeil dont les raisons ne nous sont en général pas inconnues : souci passager, consommation de café inhabituelle, mauvaise digestion, lieu inhabituel… Ces épisodes, s’ils ne se répètent pas régulièrement, sont sans conséquences et vite oubliés après une ou deux nuits de sommeil récupérateur.
Diagnostiquer un trouble du sommeil plus installé est souvent compliqué, car le patient n’a pas toujours conscience que ses problèmes ont pour origine un sommeil dégradé. Irritabilité, difficulté à se concentrer, maux de tête, baisse de performance au travail ou en classe… tout ceci peut être parfois expliqué par des troubles du sommeil à répétition.
La vie moderne nous incite à repousser chaque jour l’heure du coucher, de passer plus de temps devant les écrans TV ou Internet. Ces changements de comportement conduisent à rogner sur le temps de sommeil, surtout chez les personnes actives professionnellement qui doivent le lever tôt le matin…
Mal dormir n’a pas que des conséquences sur l’humeur ou la fatigue. Certaines études montrent que la manque de sommeil chronique augmente le risque de développer des maladies cardio-vasculaires ou un diabète, de faire décompenser une maladie mentale, et serait un même un facteur favorisant l’apparition de certains cancers.
Apnées du sommeil
Les apnées du sommeil sont dues à un mauvaise respiration par obstruction des voies respiratoires, liée à un relâchement des tissus du voile du palais et de la gorge, de la luette. Ce syndrome se révèle par des ronflements importants, et des pauses respiratoires régulières pouvant durer 30 à 40 secondes, provoquant une mauvaise oxygénation de l’organisme, et à terme une souffrance cardiaque et vasculaire pouvant aller jusqu’à l’infarctus du myocarde.
En dehors de ronflements, les principaux symptômes de l’apnée du sommeil sont la somnolence dans la journée, la sensation de grande fatigue et d’épuisement physique s’aggravant au cours du temps et non soulagés par le sommeil. En ce sens, les apnées du sommeil sont un trouble du sommeil, de la qualité du sommeil, avec perturbation du sommeil profond. Les patients atteints d’apnées du sommeil n’ont pas toujours conscience de l’intensité de leurs ronflements et des arrêts respiratoires. Ce sont donc les symptômes d’un sommeil de mauvaise qualité qui doivent donner l’alerte et amener à consulter un médecin.
Bien dormir : combien de temps ?
S’il est communément admis que la durée recommandée du sommeil est de 8 heures par nuit, en fait, chacun a sa durée de sommeil idéale. Certains se contenteront de 4 heures pour être en plein forme, tandis que d’autres auront besoin de 9 ou 10 heures régulièrement pour se sentir reposés. C’est une question de constitution de l’individus, pas d’habitude de vie. Les caractéristiques de ceux qui se contentent de quatre heures ? Un ou deux cycles de phases de sommeil seulement, un endormissement rapide et des temps de sommeil profond et paradoxal allongés.
Le sur-sommeil est plus rare, il correspond à des phases de sommeil paradoxal allongées, ou des répétitions de cycles par nuit plus nombreuses. Le temps de sommeil évolue avec l’âge, un nourrisson a besoin de 18 heures de sommeil par jour, un adolescent souvent plus de 10 heures, surtout en phase de croissance. À l’âge adulte, le temps de sommeil se raccourcit, et en fin de vie peut devenir assez court, et surtout fractionné avec des nuits souvent interrompues.
Ce qui est le plus significatif, ce sont les changements brutaux de temps de sommeil. Se mettre à dormir beaucoup plus longtemps ou bien plus brièvement soudainement, en présentant de plus des symptômes comme un changement de comportement ou d’humeur, peut être le signe d’une pathologie sous-jacente ou d’une addiction. Dans ces circonstances une consultation médicale s’impose.
La dette de sommeil
D’après une étude récente(1) réalisée sur plus de 12000 personnes, il apparait que le temps moyen de sommeil des français est passé maintenant à moins de 7h (en tenant compte du total sur 24h du sommeil, donc en comptant les éventuelles siestes, pas seulement le temps de sommeil nocturne). Les participants de l’étude ont estimé que leur dette de sommeil était en moyenne de plus d’une heure par rapport à la durée idéale a priori.
Près de 20% des personnes interrogées estimaient même leur dette de sommeil quotidienne (en semaine) à plus de 1h30 ! Beaucoup ont signalé avoir le besoin de compenser cette dette en sommeil en dormant plus longtemps le week-end (ce qui n’est guère efficace en fait).
Les raisons de cette dette de sommeil qui progresse ? Les horaires décalés (les fameux 3x8h), l’allongement des temps de transport qui ampute sur le temps de loisirs et favorise le report de l’heure de coucher, et le temps passé à regarder la TV, ou Internet, notamment sur smartphone.
Plusieurs études ont montré que la dette de sommeil induit un stress oxydatif et une élévation du cortisol qui favorise l’athérosclérose et l’installation de maladies cardiovasculaires, la prise de poids, la décompensation de maladies mentales, la dépression, une baisse de l’immunité et même de l’efficacité des vaccins !
Lorsque le manque de sommeil est involontaire et que c’est l’organisme lui-même ne semble pas vouloir permettre un sommeil réparateur et suffisamment long, on parle d’insomnie.
Les difficultés d’endormissement
Ce sont les plaintes qui occasionnent le plus de consultations médicales : le patient ne parvient pas à trouver le sommeil chaque soir et met longtemps à s’endormir, ce qui l’impatiente et ampute son temps total de sommeil.
La principale raison des difficultés d’endormissement vient qu’on cherche à s’endormir sur commande, au mauvais moment du cycle. Plus on est régulier dans ses horaires de coucher et lever, plus le corps s’habitue à un rythme de vie sur lequel il se synchronise. Dans ce cas, petit à petit, les signaux de sommeil surviennent à peu près à la même heure chaque jour, et l’endormissement se fait facilement.
Lorsqu’on a des difficultés à s’endormir régulièrement, la première chose à faire et de prendre conscience des signaux de demande de sommeil, et repérer l’horaire où ils surviennent dans la soirée. Ensuite il faudra respecter cet horaire aussi régulièrement que possible, pour un endormissement qui deviendra de plus en plus facile et rapide, pour une nuit vraiment réparatrice.
Bon à savoir pour un endormissement plus facile
Voici quelques éléments à prendre en compte quand on veut améliorer son sommeil :
- Evitez de consulter votre smartphone ou tablette en vous mettant au lit. Les médias numériques interactifs exigent le maintien de l’attention et agissent comme des stimulants de l’état de veille. Une règle à établir pour enfants et adolescents : pas d’écran dans la chambre !
- Bannissez de la chambre les éclairages de type veilleuse ou témoins de charge, notamment celles émettant de la lumière bleue-blanche, comme la lumière émise par les LED. Celle-ci agit comme un stimulant car elles s’apparentent à la lumière du jour. Ne dirigez pas l’affichage du radio réveil vers vous quand vous êtes couché(e).
- Essayez, autant que possible, de faire le noir dans la chambre, en utilisant volets, rideaux opaques, ou à défaut en mettant un masque occultant sur les yeux.
- Si le niveau de bruit est important, essayez les bouchons d’oreille. La nouvelle génération de ces bouchons est constituée d’une mousse à mémoire de forme beaucoup plus confortable que les classiques boules de cire.
- Lire avant de dormir est assez efficace, pour peu qu’il s’agisse de romans ou d’histoires stimulant l’imagination, qui vous permette de vous déconnecter des tracas de la vie quotidienne. Écouter de la musique douce et peu rythmée, du type de celles qu’on utilise pour la méditation ou la relaxation, peut être utile aussi (mais pas de rock n’roll endiablé !).
- Évitez la pratique d’activité sportive intensive trop tard en soirée. Même si la fatigue induite semble appeler le repos, le corps doit d’abord éliminer des substances stimulantes produites par l’effort avant de permettre l’endormissement.
- Évitez les douches chaudes juste avant de passer au lit. La chaleur de l’eau au contact de la peau déclenche une vasodilatation des vaisseaux sanguins qui entraine une augmentation de l’activité cardiaque, et donc empêche l’endormissement. D’une manière générale, privilégiez les ambiances un peu fraiches au moment de l’endormissement (une température de 18 à 20°C est recommandée), cela favorise la mise au repos du corps.
- Évitez la consommation de stimulants avant le coucher : pas de thé ou café après 15h, limitez la consommation de sucres rapides (bonbons, sucre blanc…), les boissons énergisantes (comme celles à la taurine), évitez aussi de fumer. Évitez également les repas trop alcoolisés ou très épicés, trop gras ou trop copieux.
- Faire la sieste est souvent une bonne chose pour reprendre des forces en milieu de journée. Mais à condition de bien la pratiquer pour ne pas perturber le sommeil de nuit. Idéalement, elle doit survenir en début d’après-midi, juste après le déjeuner, et surtout, elle ne doit pas dépasser une vingtaine de minutes d’assoupissement.
Le rite du coucher
Se préparer au sommeil est une chose importante. En effet, il a été démontré que de respecter une routine régulière, chaque soir, à la même heure, forme un signal envoyé à l’organisme le prévenant qu’il est temps d’engager le premier cycle de sommeil. C’est tout l’intérêt de ce qu’on appelle le rite du coucher.
Par exemple, consommer une tisane, se dévêtir et se mettre à l’aise, démaquillage et soins de peau, brossage de dents, lecture de quelques pages d’un roman, diminution du chauffage, diminution progressive de la quantité de lumière dans la pièce… si tout cela est effectué dans le même ordre chaque soir, régulièrement et tranquillement, comme un rite, toute les conditions sont réunies pour faciliter l’endormissement. Les jeunes parents le savent bien : les enfants ont besoin de routine pour aller au lit et s’endormir paisiblement, comme obtenir la lecture d’une histoire, et souvent toujours la même ! Ce n’est pas juste pour retarder le moment de dormir, c’est pour se mettre en condition pour accueillir le sommeil.
Notre organisme fonctionne de manière rythmée, utilisant une sorte d’horloge interne qui régule toute son activité. Et il n’aime pas beaucoup qu’on perturbe ses horaires ! L’habituer à une séquence d’activités régulières chaque soir l’incite à proposer l’endormissement tout aussi régulièrement. Adopter un rite du coucher c’est comme donner rendez-vous au sommeil.
Le sommeil fractionné
Si nous avons tous besoin quotidiennement d’une quantité de sommeil moyenne de 8 heures, cela n’est pas forcément obtenu d’une traite. En fait, dans beaucoup de situations, le temps de sommeil va être découpé en plusieurs séquences entrecoupées d’état de veille.
C’est le cas des personnes âgées qui peuvent être amenée à somnoler dans la journée et faire une sieste prolongée sans même s’en apercevoir, du fait de la baisse de leur niveau d’activité physique, et qui ont un sommeil écourté, ou fractionné en 2 ou 3 séquences, entrecoupé de quelques heures sans sommeil au milieu de la nuit. Au total, les heures de sommeil sont bien là, mais le fractionnement est souvent vécu comme un sommeil insuffisant et peu réparateur.
On retrouve ces situations de fractionnement chez les parents dont le sommeil est perturbé par les nourrissons qui pleurent la nuit et demandent à être nourris : le rythme de sommeil de l’enfant n’est pas le même que celui de l’adulte et les deux se font concurrence.
Même constat pour les personnes qui voyagent souvent vers des pays lointains et se retrouvent en décalage horaire. La réadaptation à un rythme jour/nuit différent prend plusieurs jours à chaque fois, ce qui peut provoquer des troubles importants du sommeil à terme, lorsque les voyages se répètent et ne laissent pas le temps de se recaler. On peut rapprocher cet exemple de celui des personnes qui travaillent en horaires décalés, à ceci près que les horaires régulièrement décalés finissent par instaurer un nouveau rythme qui peut être à long terme tout à fait bien supporté, … ou pas.
Parfois le fractionnement du sommeil est volontaire. C’est ce que pratiquent les navigateurs au long cours, ou des soldats, qui ne peuvent se permettre de dormir de longues heures pour cause de mise en danger. Ils peuvent être entrainés pour effectuer, toutes les 2h environ, des sommeils « flash » de quelques minutes seulement, essentiellement constitués de sommeil profond, avec un endormissement très rapide. Cette méthode ne peut pas être soutenue au-delà de 10-15 jours.
Les traitements des troubles du sommeil
Quand le sommeil n’est plus réparateur, qu’il est difficile à trouver, qu’il devient irrégulier et se raccourcit, les répercussions sur la vie quotidienne se font vite ressentir. Si les troubles du sommeil sont passagers ou ont une cause évidente, les choses reviennent vite dans l’ordre. Mais parfois, il est difficile de s’en sortir seul, et un avis spécialisé s’impose.
Le premier conseil que l’on peut donner est de consulter son médecin. C’est avant tout par l’interrogatoire approfondi que le médecin va enquêter sur les causes possibles du trouble du sommeil. Notamment, il pourra détecter les troubles liés à une situation médicale qu’il faudra prendre en charge en priorité (comme les apnées du sommeil ou le syndrome des jambes sans repos). Ensuite, et c’est essentiel, il pourra construire avec le patient une stratégie comportementale pour réorganiser le plan de sommeil, en tenant compte des impératifs professionnels et familiaux. Souvent, c’est durant l’entretien avec le médecin que le patient prend conscience des causes passées inaperçues de ses insomnies. Dans la grande majorité des cas, l’application de cette stratégie et l’adoption de règles d’hygiène de vie suffit à améliorer les choses. Pour mieux y parvenir, on peut essayer aussi des méthodes de relaxation, de sophrologie, voire d’hypnose ou de yoga.
Dans certains cas plus sévères, il faudra avoir recours à des traitements. D’abord on peut se tourner vers la phytothérapie, en consommant en fin de journée des préparations apaisantes composées d’extraits végétaux sous forme de tisanes, décoctions ou gélules contenant par exemple des extraits d’aubépine, de tilleul, valériane, et aussi la célèbre camomille. Préférez les produits vendus en pharmacie, car il est souvent difficile de connaitre la qualité des produits d’origine non contrôlée.
Enfin, quand c’est nécessaire, le médecin peut prescrire des médicaments, comme des inducteurs de sommeil et des hypnotiques, la plupart étant à base de benzodiazépines (barbituriques), très efficaces mais qui induisent un sommeil pas toujours de bonne qualité, de réveils parfois difficiles, et surtout une addiction dont il est difficile de se défaire si on les consomme trop longtemps. Ces médicaments ont également des contre-indications strictes qu’il faut impérativement respecter, c’est pourquoi ils ne sont délivrés que sur prescription médicale. Dans certains cas d’insomnie sévères, ils sont utilisés sur de courtes durées pour favoriser la réorganisation des phases du sommeil.
Aujourd’hui, on doit citer la prescription d’un composé considéré comme l’hormone du sommeil : la mélatonine. La mélatonine est une substance sécrétée par une zone du cerveau appelée épiphyse (ou glande pinéale). Elle a la propriété d’induire le sommeil. Sa sécrétion naturelle a lieu lorsque survient l’obscurité en début de nuit, et se maintient quelques heures pour diminuer ensuite progressivement jusqu’au matin, lorsque la lumière revient et que l’on se réveille. La mélatonine n’est pas un hypnotique, elle n’endort pas directement. Mais elle permet de régulariser les cycles de sommeil. On la prescrit notamment aux personnes de plus de 55 ans, en substitution des benzodiazépines, du fait qu’elle n’a pratiquement pas d’effets secondaires ou de contre-indications. La mélatonine peut être prescrite également chez les grands voyageurs, pour aider au recalage horaire.
Dans les situations complexes de troubles du sommeil, on peut être amené à pratiquer une exploration fonctionnelle dans un centre de diagnostic du sommeil (unités spécialisées présentes dans pratiquement tous les grands hôpitaux de France). Dans ces centres on propose notamment de réaliser des enregistrements somnographiques (mesures réalisées en temps réel avec des électrodes placées sur la voute crânienne et capteurs de respiration) durant une nuit entière. Un bilan est réalisé après les enregistrements par une équipe pluridisciplinaire rassemblant pneumologues, neurologues, psychologues.
Pour en savoir plus…
Le réseau Morphee : reseau-morphee.fr
SFRMS - Société Française de Recherche sur le sommeil, le site de la société savante des médecins du sommeil : www.sfrms-sommeil.org
Institut du Sommeil et de la Vigilance, une association qui fédère les différents groupes de médecins, patients, professionnels : institut-sommeil-vigilance.org
Association de patients France Insomnie : franceinsomnie.fr
Association de patients Sommeil et Santé : www.sommeilsante.asso.fr
Baromètre Santé Publique France SPF 2017 – Bulletin Epidémiologique hebdomadaire du 12 mars 2019.
Auteur : Dr Pierre Mouillard – Toulouse.